Le Théâtre Corse est vivant


Le théâtre, ce sont des hommes qui disent une parole, parce que pour eux, cette parole est essentielle aux hommes qui sont leurs semblables.  C’est ça, le théâtre.

Et deux compagnies corses l’ont montré réellement cette année, en « faisant du théâtre » en Avignon. Non pas seulement du divertissement, de l’ « animation » que l’on peut faire en un temps d’été,  mais du Théâtre.

Parce que ce sont les grands textes qui préoccupent les acteurs et metteurs en scène corses qui se sont produits cette année à Avignon ; les grands textes et les grandes œuvres. De grands textes, dans le droit fil d’une histoire. De grandes œuvres, comme un ressenti qui se transmet indéfiniment.

 La Musique, bien sûr, puisque le chant écrit l’histoire de l’île. Et la Poésie, les textes ou les traces que l’on transmet à l’Autre dont, peut-être,  on ne sait rien, mais qui font le sens d’une vie.

Il faut dire aussi qu’il existe une spécificité réelle et cruelle dans ce Festival, c’est l’immédiateté du spectacle rendue encore plus absolue, l’instantané du ressenti d’un public, quel qu’il soit; celui d’un spectateur, croisé dans une rue qui dira à un autre : « Ca, c’était bien ! ».

Deux compagnies ont laissé ainsi leur trace, dont on pouvait dire, vraiment : « Là, allez-y, c’est Bien ! ». Deux troupes, « artisans » du théâtre, qui ont proposé, chacune différemment, ces œuvres et cette mémoire.

La Compagnie du Partage, dirigée par Francescu Raffaelli, qui joue et met en scène « Les confessions » de St Augustin , et le « Prophète » de Khalil Gibran ; compagnie qui porte si bien son nom, puisque son approche est celle d’une adresse directe au public, comme d’une interpellation : «  Venez, je vous parle ; partez ou restez, mais si vous restez, écoutez-moi ! ».

Et «  SERAPHICA », l’ensemble vocal de Jean-Etienne Langianni, musicien et chanteur, qui porte une  recherche artistique sur le chœur, les voix, au centre de son travail. Qui s’intéresse à la prise en compte de la mémoire collective et aux phénomènes de transmissions orales.

————

La Compagnie du Partage a présenté ainsi  « Le Prophète » de Khalil Gibran :   Khalil Gibran, cet « astre qui tourne seul hors de l’orbite de l’autre soleil qu’est la littérature, dans son acception universelle », auteur d’une poésie mystique et sensuelle.

 Mais surtout, et nous y insisterons,  Francescu Raffaelli propose une lecture vivante, inspirée, des« Confessions » de St Augustin.

«Accéder à la béatitude : il n’y a pas d’autre raison de philosopher», écrivait l’évêque d’Hippone. Peut-être n’y a-t-il pas d’autre vraie raison, non plus, de faire du théâtre ; tant ces deux disciplines, ces deux travaux sont mêlés. Et tant est-ce ce que nous dit, nous montre Francescu Raffaelli, quand il dit « Les Confessions ».

Nous sommes bien alors devant le verbe incarné, le Verbe devenu Chair. Les litanies de la jeunesse de Saint Augustin, cette « litanie des péchés »         nous plonge au cœur de l’âme humaine.  L’interprétation donnée là de Saint Augustin, nous fait toucher cet état de jeune homme perdu, dans une infinie délibération entre ce diable qu’il croit être, et le Dieu qu’il cherche.

Mais cette plongée n’est pas celle de quelconques affres psychologiques, et c’est là qu’on rentre dans le théâtre, dans la découverte abyssale d’un texte, même du Texte : le spectateur, devant les délibérations d’un homme, devant cette confession simple, va entendre écho toutes les délibérations philosophiques, métaphysiques et de Saint Augustin et au-delà des interrogations des siècles de culture qui parlent en nous, sans même que nous le sachions.

Ce spectacle nous donne à voir une heure qui interroge Dieu dans son être, et surtout nous adresse, en face, une injonction cathartique !

Que sommes-nous ? De quoi, nous, humains et seuls en ce monde, sommes-nous le nom ? Nous sommes, devant la prise de conscience de la vanité de notre existence , cet homme « Retenu loin de Vous par ce qui, sans Vous, ne serait que Néant ! ».

Où la question du théâtre rejoint la question platonicienne, philosophique, des « prétendants ». D’où parlez vous, et en quel nom ?!

Et l’on a presqu’envie de l’interroger nous aussi, de rentrer dans ce dialogue inouï avec un « Dieu des vengeances, mais de toutes les miséricordes »…

Pari Réussi !

————

Restons dans le registre d’une forme d’élévation mystique, avec ces « Canti di a Maria » dont l’ensemble Seraphica fait s’élever les voix, non seulement comme un chant, mais comme une respiration verticale, comme une réponse harmonique à l’agitation du monde.

Dans un respect absolu, totalement rigoureux, de la partition, de la Musique, au travers d’un travail vocal remarquable, ces Voix d’enfants, forcément éphémères, font entendre une fragilité magnifique.

Puis,  apparaît, et dans ces chants, comme le Dio di Salve Regina, et dans leur interprétation, un lien fort de Seraphica avec une Corse, non pas nostalgique ou fantasmée, mais réelle : une Corse ancrée dans la mémoire des chanteurs et des chants, et  physiquement en traces dans cette particulière manière de chanter, d’être une voix singulière.

La démarche, enfin, de proposer ces chants d’église en Avignon ne reste pas indifférente. Elle rappelle  et l’origine réelle, et la destination du théâtre : La nécessité métaphysique de traverser par nos voix éphémères le silence du Monde.

Sophie Demichel

Le Théâtre Corse est vivant

Le théâtre, ce sont des hommes qui disent une parole, parce que pour eux, cette parole est essentielle aux hommes qui sont leurs semblables.  C’est ça, le théâtre.

Et deux compagnies corses l’ont montré réellement cette année, en « faisant du théâtre » en Avignon. Non pas seulement du divertissement, de l’ « animation » que l’on peut faire en un temps d’été,  mais du Théâtre.

Parce que ce sont les grands textes qui préoccupent les acteurs et metteurs en scène corses qui se sont produits cette année à Avignon ; les grands textes et les grandes œuvres. De grands textes, dans le droit fil d’une histoire. De grandes œuvres, comme un ressenti qui se transmet indéfiniment.

 La Musique, bien sûr, puisque le chant écrit l’histoire de l’île. Et la Poésie, les textes ou les traces que l’on transmet à l’Autre dont, peut-être,  on ne sait rien, mais qui font le sens d’une vie.

Il faut dire aussi qu’il existe une spécificité réelle et cruelle dans ce Festival, c’est l’immédiateté du spectacle rendue encore plus absolue, l’instantané du ressenti d’un public, quel qu’il soit; celui d’un spectateur, croisé dans une rue qui dira à un autre : « Ca, c’était bien ! ».

Deux compagnies ont laissé ainsi leur trace, dont on pouvait dire, vraiment : « Là, allez-y, c’est Bien ! ». Deux troupes, « artisans » du théâtre, qui ont proposé, chacune différemment, ces œuvres et cette mémoire.

La Compagnie du Partage, dirigée par Francescu Raffaelli, qui joue et met en scène « Les confessions » de St Augustin , et le « Prophète » de Khalil Gibran ; compagnie qui porte si bien son nom, puisque son approche est celle d’une adresse directe au public, comme d’une interpellation : «  Venez, je vous parle ; partez ou restez, mais si vous restez, écoutez-moi ! ».

Et «  SERAPHICA », l’ensemble vocal de Jean-Etienne Langianni, musicien et chanteur, qui porte une  recherche artistique sur le chœur, les voix, au centre de son travail. Qui s’intéresse à la prise en compte de la mémoire collective et aux phénomènes de transmissions orales.

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La Compagnie du Partage a présenté ainsi  « Le Prophète » de Khalil Gibran :   Khalil Gibran, cet « astre qui tourne seul hors de l’orbite de l’autre soleil qu’est la littérature, dans son acception universelle », auteur d’une poésie mystique et sensuelle.

 Mais surtout, et nous y insisterons,  Francescu Raffaelli propose une lecture vivante, inspirée, des« Confessions » de St Augustin.

«Accéder à la béatitude : il n’y a pas d’autre raison de philosopher», écrivait l’évêque d’Hippone. Peut-être n’y a-t-il pas d’autre vraie raison, non plus, de faire du théâtre ; tant ces deux disciplines, ces deux travaux sont mêlés. Et tant est-ce ce que nous dit, nous montre Francescu Raffaelli, quand il dit « Les Confessions ».

Nous sommes bien alors devant le verbe incarné, le Verbe devenu Chair. Les litanies de la jeunesse de Saint Augustin, cette « litanie des péchés »         nous plonge au cœur de l’âme humaine.  L’interprétation donnée là de Saint Augustin, nous fait toucher cet état de jeune homme perdu, dans une infinie délibération entre ce diable qu’il croit être, et le Dieu qu’il cherche.

Mais cette plongée n’est pas celle de quelconques affres psychologiques, et c’est là qu’on rentre dans le théâtre, dans la découverte abyssale d’un texte, même du Texte : le spectateur, devant les délibérations d’un homme, devant cette confession simple, va entendre écho toutes les délibérations philosophiques, métaphysiques et de Saint Augustin et au-delà des interrogations des siècles de culture qui parlent en nous, sans même que nous le sachions.

Ce spectacle nous donne à voir une heure qui interroge Dieu dans son être, et surtout nous adresse, en face, une injonction cathartique !

Que sommes-nous ? De quoi, nous, humains et seuls en ce monde, sommes-nous le nom ? Nous sommes, devant la prise de conscience de la vanité de notre existence , cet homme « Retenu loin de Vous par ce qui, sans Vous, ne serait que Néant ! ».

Où la question du théâtre rejoint la question platonicienne, philosophique, des « prétendants ». D’où parlez vous, et en quel nom ?!

Et l’on a presqu’envie de l’interroger nous aussi, de rentrer dans ce dialogue inouï avec un « Dieu des vengeances, mais de toutes les miséricordes »…

Pari Réussi !

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Restons dans le registre d’une forme d’élévation mystique, avec ces « Canti di a Maria » dont l’ensemble Seraphica fait s’élever les voix, non seulement comme un chant, mais comme une respiration verticale, comme une réponse harmonique à l’agitation du monde.

Dans un respect absolu, totalement rigoureux, de la partition, de la Musique, au travers d’un travail vocal remarquable, ces Voix d’enfants, forcément éphémères, font entendre une fragilité magnifique.

Puis,  apparaît, et dans ces chants, comme le Dio di Salve Regina, et dans leur interprétation, un lien fort de Seraphica avec une Corse, non pas nostalgique ou fantasmée, mais réelle : une Corse ancrée dans la mémoire des chanteurs et des chants, et  physiquement en traces dans cette particulière manière de chanter, d’être une voix singulière.

La démarche, enfin, de proposer ces chants d’église en Avignon ne reste pas indifférente. Elle rappelle  et l’origine réelle, et la destination du théâtre : La nécessité métaphysique de traverser par nos voix éphémères le silence du Monde.

Sophie Demichel �)

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