Vive Bouchon
Ou le plus absurde n’est pas à coup sûr là où l’on croit
Bouchon est un petit village un peu improbable, un peu isolé, mais qui pourrait presque être le nôtre, qui pourrait bien être le mien, et qui tente de survivre tenu par les tentacules de la bureaucratie européenne. Village au fond de la vallée, égaré, ignoré… jusqu’à ce la technocratie se réveille : « e finita la comedia », on veut des comptes ! Tout cela pourrait devenir triste, comme souvent, comme partout.
Et puis non… Non ! L’Europe veut punir Bouchon ? Bouchon se passera de cette Europe-là ! Et bienvenue à la Révolution dans la ruralité ! Parce que rien n’est aussi beau que lorsque c’est inutile, alors rien n’est aussi drôle que la volonté farouche de ces « petits » personnages d’agir quand même dans une situation impossible, de sauver leur ville, leur vie « anormale » pour les autres. Et leur aventure a priori délirante nous contamine en joie de vivre et en fait de grands rôles de comédie. Et le « maire tranquille » se prend à des ambitions présidentielles si fantastiquement fantaisistes que c’est un bonheur immédiat, presqu’enfantin que nous recevons dans cette aventure. Et nous rions, très vite, d’anticiper même les péripéties « Münchhauseniques » qui vont tomber sur le nez de ceux-là qui vont s’amuser – et nous amuser – à bouleverser les codes et les modes politiques.
Yvan le Bolloch a le physique et le charme d’un jeune premier propulsé comme malgré lui, dans le rôle d’un Matamore, décalage magnifique, extraordinairement drôle; et ce personnage improbable se voit prêt à tenter l’impossible pour que survive Bouchon ! Malgré l’incurie d’un système dénoncée dans le rire, malgré les maladresses de tous ceux qui le suivent, ils nous emmènent avec eux, dans la folie, mais avec joie : parce que l’on ne peut aller droit dans un univers tordu, et que ce rire ubuesque est puissant et libérateur ! Les péripéties jubilatoires qui se succèdent vers un « Bouchonxit » – qui aura lieu… ou pas -, nous plongent à la suite d’acteurs survoltés dans le délire communicatif. Et ils y croient… Alors pourquoi, pour quelques précieux moments, n’y croirions-nous pas ? Après tout pourquoi pas ? Pourquoi ne pas s’amuser un peu de ce monde devenu fou.
Dans ces temps où les « politiques » peuvent être ridicules sans être même drôles, et où la « res politica » devient malheureusement risible, heureusement, il y a le Théâtre ! Il reste et résiste ce théâtre-là, qui déconstruit par le rire et fait rêver à d’autres possibles.
La Fantaisie politique se donne actuellement encore au Splendid, à Paris. Allez-y ! Vite ! Et suivez la quand elle parcourra les routes de France, parce que ce rire-là, celui des baladins libres est ce qui nous permet si souvent de nous tenir debout et heureux, parfois, malgré tout.
Sophie Demichel-Borghetti
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Vive Bouchon au Splendid
de jean Dell et Gerald Sibleyras
Mise en scène :
Distribution :
Yvan LE BOLLOC’H, Julien CAFARO, Nathalie CORRÉ, Sébastien PIERRE